« Le regard du matou semblait perdu, ses paupières clignant de plus en plus lentement, il ne semblait pas comprendre, ne semblait plus contrôler ses mouvements. Illusion porta alors un coup d'oeil interrogatif sur ce chat, se demandant ce qu'il lui arrivait... Elle répéta sa question, d'un miaulement plus calme, espérant une réponse plus convaincante que la vue d'un félin peinant à poser une patte devant l'autre.
Alors que ses paroles devenaient de plus en plus insistantes, alors qu'il ne semblait pas craindre ce que lui disait la jeune chatte, il recula, d'un pas, d'un pas suffisant. Suffisant aux eaux sombres pour engloutir avec hâte le félin, semblant avides de s'emparer de son souffle.
La Meneuse réprima un grognement d'exaspération, et plongea, glissant avec souplesse entre les mouvements saccadés du torrent qui l'emportait doucement avec lui. Une fois parvenue au félin, elle planta délicatement ses crocs au dessus de son cou, et l'emporta avec elle vers les points lumineux qui ornaient le pelage de la rivière, le hissant lentement sur la rive.
Illusion secoua sa fourrure, ôtant les perles d'eau qui ruisselaient sur son poitrail, lorsque son regard se dirigea vers le chat. Elle crut un instant qu'il avait rejoint ses ancêtres, et se hâta alors de se coucher à côté de son flanc, vérifiant qu'il respirait encore. Un faible souffle chaud vint alors caresser l'oreille de la chatte. Elle se releva rapidement, gênée, et tenta de le toiser sévèrement, réprimant l'immense soulagement qu'elle éprouvait.

Fais un peu attention ! le réprimanda-t-elle, ne voulant pas lui montrer qu'elle était rassurée.
Illusion se rendit compte qu'elle aurait du se montrer plus agréable... et émit un faible ronronnement, dans le but d'atténuer l'hostilité avec laquelle elle lui adressait la parole. »

« Je suis Griffe d’Acier du clan de la nuit. Je suis désolé, d’avoir pénétré sur le territoire de ton clan. Piètre excuse, je te l’avoue, mais je… Enfin je ne me cherche pas d’excuses. Et je te remercie pour ton aide.
Le peu de paroles que Griffe d'Acier prononça sembla le vider de toute force; sa respiration devenait de plus en plus saccadée, et l'odeur de la peur commençait à recouvrir doucement celle du guerrier.
Que lui arrivait-il ? La Meneuse s'approcha lentement du chat, cherchant à comprendre ce qu'il se passait. Lorsqu'elle croisa son regard, brillant, elle cru reconnaître quelqu'un, sans réussir à poser la patte sur le chat dont il s'agissait. Troublée, elle continua à scruter le matou, comme si des réponses avaient pu se glisser dans sa fourrure. Et elle, que devait-elle faire ? Elle espérait qu'aucun chat de son Clan n'avait besoin d'elle en ce moment-précis, et tenta de se réconforter vainement en se disant que la plupart devait être dans l'univers des songes depuis bien longtemps.
Illusion reporta son attention sur le félin, son état semblait empirer à chaque battement de coeur. Son souffle semblait devenir plus rauque chaque seconde, et son regard se chargeait de plus en plus d'une expression de souffrance, d'effroi.
Ne sachant que faire, elle vint alors lui donner des coups de langues vigoureux sur l'échine, essayant de le réchauffer tant bien que mal. La Meneuse lui adressa alors quelques mots, pour s'assurer qu'il l'entendait toujours, qu'il était conscient malgré tout. Pourquoi l'aidait-elle ? Au final, elle ne le connaissait pas, semblait ne jamais l'avoir connu. Pourquoi prenait-elle la peine de s'assurer qu'il irait mieux ? Elle n'en savait rien. Comme tellement d'autre chose, elle ne trouvait pas de réponse... »

« Griffe d'Acier avait tenté de dire quelque chose. Des mots flous et murmurés. La meneuse ne parvint pas à les comprendre. Qu'essayait-il de dire ? [...] Il avait fermer les paupières. Sa respiration ne devenait plus qu'un souffle presque imperceptible. C'est alors qu'il fut secoué de convulsions, faibles mais rapides. Ses paupières se plissaient, témoignant d'une douleur continue. Il rêvait. Il partait...

Illusion l'observait, une multitude de questions se bousculant dans ses pensées. C'est alors qu'elle bondit par dessus la rivière, sentant des perles glacées lui caresser le flanc. Elle marchait, d'un pas rapide et souple, sachant pertinemment qu'elle enfreignait une loi. La meneuse faillit renoncer, mais elle sut qu'elle regretterait de toute façon, alors, elle continua... elle continua à se diriger vers le camp de la Nuit.
La jeune féline déboucha alors sur une entrée de ronces. Elle s'y glissa en prenant soin de ne pas ébouriffer sa fourrure, et regarda. »

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